Chronique hebdomadaire en occitan dans sud-ouest Dordogne - Martial Peyrouny

La langue d'oc en Périgord ou comment comprendre les indigènes et mieux les apprécier.

jeudi, novembre 22, 2007

"Privilegiat"

« Privilegiat » (prononcé privilézia) : privilégié
J’ai un travail, « un trabalh », une maison chauffée, « eschaurada », une voiture, « una veitura », « e Diu me garda », et heureusement je n’ai personne de malade dans ma petite famille. « Sei un privilegiat », je suis un privilégié. « E òc ! »
« Tot parier ai nonmàs fach çò quò m’an demandat de far dempuei que sei mainatjon ». Depuis que je suis enfant tout le monde m’a dit de bien travailler à l’école, « mon pair », mon père, « ma mair », ma mère, « los regents », les instituteurs avec leurs règles d’orthographe, « lo quite Pair Nadau », même le Père Noël m’a rebattu les oreilles afin que je travaille bien à l’école. J’ai donc passé « lo bachelierat », le bac. « Ai agut la mestresa », j’ai eu une maîtrise de lettres tout en travaillant « per payar mas estudas », pour payer mes études. Un jour un de mes enseignant m’a dit : « devriàs passar lo concors per far lo professor d’occitan », tu devrais passer le concours pour être professeur d’occitan. Cela te permettrait de vivre ta passion pour ta langue et ta culture en la transmettant aux plus jeunes. « Laidonc ai passat lo concors ». Je l’ai passé et je l’ai eu. « Veiqui », voici, c’est tout. Pas de machiavélisme dans tout cela. Pas de calcul. Aujourd’hui je fais mon travaille « dau mielh que pòde », du mieux que je peux et je suis payé pour ça.
Une histoire banale « fin finau ». Je n’ai fait que ce que la République, « la Nacion francèsa », la Nation française et l’ensemble de la société ont demandé à leurs enfants de faire : travailler « dau mielh possible », du mieux possible pour développer et enrichir notre pays.
« E veimequi » (é vèïméki), et me voici jeté à la vindicte populaire car je suis le plus « frotjós, florissent », prospère, « acepte, comòde », aisé, « lo mei beu aprofiechaire », le plus grand profiteur de la Terre. « Tot parier, sei pas un panaire, un rufain, un raubaire », pourtant je ne suis pas un voleur, « ai nonmàs passat un concors que tot lo monde pòt passar ».

mardi, novembre 13, 2007

gardarem lo morau

« Gardarem lo morau » (prononcé gardaréim lou mouraw) : nous garderons le moral.
«Sabe pas perque », je ne sais pas pourquoi mais il y a un « pitit quauquarren dins l’aer », (u piti kawkorè di l’aïré), un petit rien dans l’air qui me laisse à penser qu’il y a désormais quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Enfin, quand je dis Danemark, « fau entendre », il faut plutôt, « pusleu » comprendre le royaume de France. « Sabe pas se qu’es lo temps », si c’est le temps, « lo pretz de la gazolina », le prix de l’essence, « lo bolegament cronic dau nòstre president bolegaire », le mouvement incessant du président de la République, « màs las gens fan lo potin », mais les gens font la tête. Je dis « potin » (pouti), je devrais mieux dire que « fan lo morre » (fan lou mourré), qu’ils font la gueule.
« Quo es vrai », c’est vrai que j’ai du mal à les comprendre, « a los comprener ». La France est un beau pays, et riche, « en mai d’aquò », en plus. Du moins on y voit des gens riches. « I manquan pas de ren », il y a de tout en abondance et à voir les montagnes de déchets, « de sobras », que nous produisons on ne peut dire le contraire. « Tot parier », de même, nous ne manquons pas d’espace et ni de logements inhabités à la ville comme à la campagne. A se demander comment il peut y avoir des gens « atalentat », qui ont faim et froid dans cette belle contrée. « Laidonc, perque quò vira pas mielh » ? Alors pourquoi cela ne fonctionne pas « De que truca ? De que delinca ? » Qu’est-ce qui cloche ?
« Benleu », peut-être qu’un début de réponse se trouve dans un simple mot : « consumerisma », consumérisme, action de consommer. Après 15 000 ans d’évolution depuis ce vieux coquin de périgourdin Cro-Magnon, l’Homme « es rendut a l’estat de budeu », il n’est plus qu’un tube digestif. Adieu à la « fraternitat, au paratge e la conviviança », à toutes les valeurs de partage, de respect, e à tout ce qui fait de nous des être humains. Aujourd’hui c’est consomme et « barra lo morre » !

mardi, novembre 06, 2007

Sent Martin

« Sent Martin » (prononcé chein Marti) : saint Martin.
Ce qu’il y a de bien avec les proverbes, c’est qu’ils nous donnent quelques indications, « d’entresenhas », sur : comment c’était avant. Avant « la guerra », l’indice Down Johns, Tchernobyl, le coca et l’invention des SMS. Par exemple, « se prenetz la Sent Martin », vous vous rendez vite compte que « be, um s’es vut doas vetz » et que les temps ont bien changés. On disait alors : « per sent Martin la nevia es en chamin o camin, s’es pas lo ser, es lo matin », pour saint Martin la neige est en chemin, si ce n’est pour le soir c’est pour le matin. On ajoutait que « sent Martin esbana buòus e esbolha molins » (chein Marti èïbano lou buow é èïbouillo lou mouli), que saint Martin écorne les bœufs et détruit les moulins. Visiblement, jamais l’été n’aurait duré un mois et demi comme cette année. « Autres còps », autres fois, « l’estivet de sent Martin, durava tres jorns e un bric », l’été de saint Martin durait trois jours et un peu. A peine le temps « de massar dau bois », de ramasser du bois, « e pis qu’es tot », et puis c’est tout.
Ce moment de l’année était aussi propice à un travail primordial, soutirer le vin. « Per sent Martin, bota la bonda e tasta lo vin », pour saint Martin, met la bonde et goûte le vin ». C’est vrai que malgré le temps qui redevenait rigoureux, cette période donnait à manger en abondance. « Per sent Martin, l’aucha au topin, las chastanhas e lo vin », pour saint Martin, l’oie sous la graisse, les châtaignes et le vin. C’est ça le problème quand on se nourrit grâce à la nature, il faut en suivre le pas et les caprices. Aujourd’hui avec les OGM, le hors-sol, et les importations de denrées venues de l’autre côté de la planète, il faut reconnaître que nous ne sommes plus soumis aux caprices des saisons ; c’est fraises toute l’année. Mais méfions nous quand même des vengeances de mère nature. Car sachez qu’« entre la patz e la treva, Martin perdet son àse », qu’entre la paix et la trêve, Martin perdit son âne.