Chronique hebdomadaire en occitan dans sud-ouest Dordogne - Martial Peyrouny

La langue d'oc en Périgord ou comment comprendre les indigènes et mieux les apprécier.

jeudi, janvier 31, 2008

« La lenga o la linga » (prononcé lo leingo ou li-ngo)-la langue.

« A cinc setmanas », à cinq semaines des prochaines élections municipales et au moment où l’assemblée nationale comme le sénat ont refusé de modifier, « de modificar » l’article 2 de la constitution française afin de donner une place aux langues de France, « m’a semblat interessant de vos parlar », de vous parler de langue.
« E òc », et oui pour beaucoup de périgourdins, « mentre los d’un atge », parmi les plus âgés, l’occitan, le patois (même si ce terme est dégradant et péjoratif), est leur langue maternelle, « la lenga mair o mairala ». Mon voisin par exemple, « quitament si a fai soa lenga dau francés », même s’il possède parfaitement le français, « quò l’agrada mielh », cela lui va mieux de parler en occitan. Le coup de langue, « l’eslingada o lerpada », est plus précis, plus clair. « Màs coma mon vesin », avec mon voisin nous ne parlons pas de politique. Il a toujours des choses à m’apprendre sur « lo vergier », le jardin, « los aubres », les arbres, « e son pinòt es pas meschent », et son pineau n’est pas mauvais, alors les choses qui fâchent, « que van nos esmalir » nous les laissons aux autres.
En revanche dans toutes les communes de Dordogne, les mauvaises langues, « las lengas de pelha, de pellhaires, d'arpics » n’ont pas les mêmes scrupules que nous. Il y en a qui au moment des municipales ont la langue qui les démange, « la lenga que lur ne'n piala ». Ils l’ont bien pendue, « an pas lo linhòu, an un brave fisson» et des fois ils feraient mieux de la tourner sept fois dans leur bouche, « de la far virar nòu vetz avant que de parlar ». Cela leur éviterait de semer la zizanie entre les gens de leur village, « de botar lo desbrejat d’entre las gens dau vilatge ». Il y a même un maire de la Gironde voisine qui collectionne les lettres d’injures reçues à chacune de ses élections. Alors cette fois à nous de faire des places de marché un forum d’échange et non pas « de polha e l’esgarolhada », d’insulte et d’engueulade.

« Lo patronime, seguida » (lou patrounimé, chéguido) – le patronyme, suite

« Disa-me coma le disent, te dirai per qui a votat », dis-moi comment il s’appelle, je te dirai pour qui tu as voté. « E òc, me sei ‘musat », je me suis amusé à prendre les noms pour la plupart occitans des conseillers généraux périgourdins actuels, et j’ai essayé de trouver leur signification. Ceux qui ne figurent pas n’ont pas été oubliés. J’ai juste évité de trop me tromper. Alors « li vam », nous y allons.
Le barbier, « lo barbier », nom de métier. Rousseau, vient de « Rós », le roux. Chagneau, « Chanhau », est tiré de cassanos en gaulois, le chêne. Ganiayre, « Ganhaire », est celui qui a acquis sa terre. Vignal, « Vinhal » habitait près d’une vigne. Peiro, « Peiròt », a un « devancier » surnommé Petit Pierre. Faure est le forgeron. Magnac a un ancêtre latin, Magnius, maître d’un grand domaine. Moreau, « Maure », est une personne très brune. Bos, « Bòsc », c’est le bois comme Dubois en français. Mérillou, vient de « l’esmerilhon », l’oiseau de proie. Lamassiaude, est peut-être une transformation de « La Marçauda », la Martiale. Labrousse, « La Brossa », est un lieu broussailleux. Le Courcel, « lo Corcel » est un petit domaine ; Debet vient du germanique berth qui désigne un homme brillant et illustre. Cabanel vient de l’occitan « cabana », cabane. Lauriera est « l’Auriera », la mine d’or. Deguilhem, c’est Guillaume. Labatut est peut être le sobriquet « l’abat », l’abbé. Bordes, « las Bordas », sont les fermes. Cazeau, « lo Casau » désigne en gascon le jardin. Montmarson serait-il le mont du petit Marçau ? Auzou pourrait être comme Auzelet, un petit oiseau. Laval est le val. Eymard est un prénom, « Aimard ». Bousquet est le diminutif du « Bòsc ». Fourcaud avait un ancêtre qui vivait à la croisée des chemins. Saint-Amand est un village. Et Bazinet habitait en contre-bas. Enfin Deltreuil, « Deltruelh » désigne un pressoir.
Et pour les prochaines élections c’est à vous de jouer.

« Lo patronime » (lou patrounimé) – le patronyme

« Disa-me coma te disent, te dirai d’ente venes », dis-moi comment tu te nommes, je te dirai d’où tu viens. « E òc », (é o), et oui, de nombreux nom de famille sont d’origine occitane par chez nous. Le contraire vous aurait étonné ? « Daubuns », certains sont la transposition d’un nom de lieux : Lafont, « la font » - la fontaine ; Coudert, « lo Coderc », l’enclos ; Cazau comme Delord et Verdier, « lo Casau, l’Ort, lo Verdier » - le jardin ; Lasserre, « la Serra » ou Lapouge, « la Poja » ou encore « Delpech » - la hauteur, la colline) ; Bousquet, « Bosquet » - le petit bois à comparer à Delbos, « Del Bòsc » - Dubois ; Duprat/Delprat, « lo prat » - le pré ; Glaize/Gleizon/Lagleize, « la Gleisa » - l’église ; Peyroux/Lapeyre/Peyrouny, « la Peira » - le lieu pierreux.
D’autres noms ont pour origine un surnom, « un chaffre » dû à un défaut physique ou à un trait de caractère. Ainsi nous côtoyons : des Maurin/Maurel/Maury qui viennent de « Maurel » - celui qui est brun de peau ; Bergougnoux, « lo Vergonhós » - le timide ; Gagniayre, « lo Ganhaire » - celui qui a acheté sa terre.
D’autres encore ont un patronyme qui renvoie à des noms d’arbres. Ceux-ci sont très fréquents en Périgord pays de bois : Vergne/Malavergne/Dauvergne/Vergnol/Duverneuil, « lo Vernhe » - l’aulne noir ; Cassaing/Chassaing/Cassagne/Chassagne, « lo cassanh o chassanh » - le chêne ; Castang/Castanier/Chastanet, « lo castanh o chastanh » - le châtaignier ; Sirieix, « lo Cirier » - le cerisier.
Enfin de nombreux noms sont issus des métiers : Boyer, « lo Boier » - le bouvier ; Bourdieux, « lo bordier » - le fermier, Faure, « lo Faure »- le Forgeron, Sartre, « lo sartre » - le tailleur ; Teissier/Texier, « lo Teissier » - le tisserand.
« De segur » cette liste n’est pas exhaustive. Mais rien ne vous empêche de chercher vous aussi l’origine de votre nom. Et si ce n’est pas occitan cela voudra bien dire quelque chose quand même dans une autre langue !

mercredi, janvier 02, 2008

la civisacion, vendredi 4 janvier

La civilisacion (prononcé lo civilisaciou) – la civilisation.
Une civilisation est un ensemble de phénomènes sociaux, « sociaus », religieux, « religiós », intellectuels, « intelectuaus », artistiques, « artistics », scientifiques, « sientifics » et techniques, « tecnics » propres à un peuple. « De segur », bien sûr la langue, « la lenga » (prononcé lo leingo ou lo li-ngo) est au centre de toute « civilisacion ». Elle crée, coordonne et exprime le monde qui entoure les individus. « Quo es per sa lenga », c’est par sa langue qu’un peuple exprime son génie. « Quo es per sa lenga » qu’un peuple « bastis una civilisacion ». Par exemple, la civilisation occitane a inventé il y a déjà plus de 700 ans le mot « amor », amour, en même temps qu’elle concevait cette notion grâce à la langue d’oc et à la littérature des troubadours. « La conviviança », l’art de vivre ensembles, « la cortesia », la courtoisie qui mettait la femme au sommet de la société courtoise, comme les lois qui permettaient l’égalité des sexes devant l’héritage et la possession des domaines, tout cet ensemble de phénomènes économiques, linguistiques, artistiques donna naissance à un sentiment qui allait révolutionner l’Humanité : l’amour.
Depuis, en France, une autre civilisation a voulu s’imposer à tous, même au-delà des mers dans ce que l’on nomma les colonies. Ce fut « d’en primier lo rei », en premier le roi, puis la Nation française, « apres la revolucion », qui voulurent décider de ce que devait penser et parler les peuples de France. « Màs una civilisacion, s’ordona pas », ne se décrète pas « dempei un bureu » (déimpèï u burèw), depuis un bureau. Il y a plus de 200 ans qu’une langue unique nous est imposée sur tout le territoire français ! « Totparier », pourtant on parle encore et toujours corse, « corsega », basque, « basc », catalan, breton, flamand, « flamenc », ou occitan. Une civilisation est à l’échelle de l’Humanité, la politique reste à l’échelle de l’homme.