Chronique hebdomadaire en occitan dans sud-ouest Dordogne - Martial Peyrouny

La langue d'oc en Périgord ou comment comprendre les indigènes et mieux les apprécier.

lundi, septembre 24, 2007

"lo rugbí cassolet", divendres 21 de setembre

« Lo rugbí cassolet » (lou rugbi cachoulé) : le rugby cassoulet
On vous l’a dit, répété, « tornat dire » (tourna diré), « ne’n es chabat dau rugbí a papà ». C’est fini le rugby de nos parents, terminé « lo rugbí cassolet ». Les hommes forts ont laissé la place aux spartiates. « Es vengut lo temps daus noveus eròis »-place aux nouveaux héros. « ‘Chabat o acabat lo pitit ventre redond dau pilard », fini le petit ventre rond du pilier de légende qui s’était fait les biceps en remuant du foin ou des sacs de grain. Aujourd’hui nous calculons la masse corporelle de l’athlète et son indice graisseux en lui proposant un entraînement sur mesure. Les joueurs de rugby « son devenguts », sont devenus des statues antiques. Ils sont aujourd’hui, « uei », forts « coma un torn », comme un pressoir, « coma un tinon de charreta », comme un essieu de charrette. « Capiauds », forts sur leurs jambes, « poderós » puissants, « son longs coma de las latas », ils sont immenses. Et avec ça, « son redde, viu, lebraud, coma daus chabris », ils sont lestes et rapides comme des chevreuils.
Mais le jeux y a t il gagné ? « Autre còp », avant, il y avait les déménageurs de pianos et ceux qui en jouaient. Le rugby était simple, « faliá menar lo mai de monde ad un endrech », il fallait amener le plus d’adversaires en un endroit pour aller marquer de l’autre côté. Le rugby était un sport d’évitement. Aujourd’hui avec les nouveaux gladiateurs ce sport en est rendu à du rentre dedans, « dau rentra dedins » ! « Fau anar petar dins la defensa », il faut aller agresser, j’aime ce mot de commentateur télé, l’adversaire. Il semble que pourtant que cette débauche de muscle est fait l’impasse sur une règle de base. Depuis Newton on sait que l’attraction terrestre existe. Et son travail sur la gravitation pourrait être résumé par le proverbe occitan suivant : « Chasteu de vianda es leu abatut », (Château de viande est vite abattu). N’oublions jamais qu’un jour David a abattu Goliath.

"Lo flamenc", divendres 14 de setembre

« Lo flamenc » (prononcé lou flameinc) : le flamand.
« Lo flamenc, de non pas confondre emb lo becharut », la flamand à ne pas confondre avec le flamant, est une des trois langues parlées en Belgique, avec l’allemand et le wallon. « Lo flamenc » est aussi parlé, « es tanben parlat » (èï tabè parla), en Hollande et dans le nord de la France. Cela fait partie, « quò fai partida », des nombreuses langues d’Europe. Une richesse pour notre continent ! En particulier pour la France, qui rien qu’en métropole possède le plus beau patrimoine linguistique de la C.E : le français, le breton, l’occitan, le catalan, le corse, l’alsacien, le basque et « lo flamenc ».
Si les langues de France « son pas reconegudas per nòstre govern », n’ont pas d’existence légale en France, elles ont un « vertadier », véritable « estatut », statut dans les autres pays d’Europe. En Belgique « lo flamenc » n’est pas nié, c’est une langue qui partage la co-officialité avec le wallon. Même si le bilinguisme n’est pas sur toutes les bouches il est sur les panneaux de signalisation, dans l’administration, « un pauc pertot, ten ».
« Laidonc », alors, quel ne fut pas mon étonnement, « mon esbaudissament », quand j’ai appris que des nationalistes flamands ne voulaient plus que ce bilinguisme soit appliqué sur leur partie de Belgique. « Quala conoria ! Zo vos dise » : le nationalisme est à l’identité ce que la jalousie est à l’amour : « una malaudia », une maladie ! « Quò qu’es lo consequent ? » Qu’est-ce qui est important ? Avoir sa langue parlée, reconnue, visible sur les murs de son pays en compagnie des autres langues, « en armonia » ? Ou bien le principal « qu’es d’escanar, d’estorbir », de tuer la langue rivale sans se rendre compte que c’est sa propre langue que « deissominan entau » que l’on précipite ainsi dans le ravin. « I a paguna rason de far dispareisser una lenga », il n’y a aucune raison de tuer une langue, sinon c’est sa propre langue que l’on condamne par la même.

"lo rugbí", divendres 7 de setembre

« Lo rugbí » [prononcé lou rrubi]-littéralement : le rugby.
« Quo’es enta », c’est comme ça, ce jeu se pratique, « se fai » avec l’accent du sud. Même le –r- du rucking est roulé.
Le vocabulaire est là pour en témoigner. Le spectateur sudiste sait apprécier le « bon patac, la bona tustada », le bon rentron. Il reconnaît avec l’œil du spécialiste quand « un timplan ou una escodiada », une sévère mandale, punit l’adversaire qui a outrepassé ses droits. Et c’est toute une tribune qui se lève en criant « calhau ! calhau ! » si le rival se trouve hors jeu et qu’il est temps de le sortir d’un rucking viril mais correct.
L’histoire voudrait que le « rugbí » ait pris rapidement ses racines en Occitanie parce qu’il y avait été précédé historiquement par la soule. Cette tradition permettait dans notre pays de régler sans guerre les problèmes entre villages. Deux équipes de solides « goiats », une par village. « Una vessiga » (prononcé bechigo-mot languedocien), une vessie gonflée e bénie, « benesida », par le curé de la paroisse, « de la parroquia ». Un endroit défini par avance où la dite « vessiga » devait être portée. Et enfin possibilité de tout faire « per panar la pauma », pour piquer la balle avec pour seule interdiction « d’esbudelar », d’éventrer et de tuer l’adversaire ; c’est le moins que l’on pouvait attendre. « Vaqui », voici résumé le jeu de soule ancestral, c’était un peu comme le « rugbí » finalement.
Pouvons-nous donc considérer que c’est un « esport » national occitan ? Pas plus « que las quilhas de 8 », que les quilles de 8 en Aveyron, « que lo juec de tamborin », que le jeu de tambourin en Languedoc, ou que « las corsas de vachas », que les courses de vaches dans les Landes. Disons qu’il a fait comme la pétanque (qui signifie en occitan pied arrêté) et s’exporter avec succès au nord de la Loire.
Et ils pourront faire tout ce qu’ils voudront, « lo rugbí » restera une passion des habitants des DOL TOL, des départements et territoires d’outre Loire.

"parla patois", divendres 1 de març

« Parla patois », (prononcé [parla patoua])- littéralement : parle patois.
Furetière décrivait le patois comme un « langage corrompu et grossier, tel que celuy du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne sçavent pas encore bien prononcer ».
Imaginez donc « la suspresa », la surprise de mes grands mères lorsque je leur ai dit un jour que j’allais faire « lo professor d’occitan e que lor faliá pus me parlar francés ». Le petit allait faire le professeur d’occitan et elles devaient désormais ne plus parler français. « Filh de garça, lo goiat professor de patois ! » Bon sang, leur petit professeur de patois, qui l’eut cru. Et il faut les comprendre mes mémés. Elles avaient connu, « avián conegut », l’école de Jules Ferry, ses vexations continuelles, ses coups et ses punitions « per chasque mot de patois », pour chaque mot de ce qu’on appelait patois. Pourtant « lor lenga » (lur leingo), leur langue n’était ni corrompu ni grossière. C’était la langue du peuple et du monde rural après avoir été aussi, « èsser estat », celle des rois et des plus grand poètes du monde, les troubadours.
Je ne peux m’empêcher de penser que tout cela fut un grand gâchis. L’école de Jules Ferry favorisa l’unicité de la langue française en contestant les réalités linguistiques du pays. C’était l’époque des colonies, de la suprématie française et du nationalisme triomphant des étrangers du dehors comme du dedans.
Quand Nicolas Sarkozy parle de reconnaître les identités et de favoriser l’enseignement de la langue corse. « Li dise perque pas », je lui dis pourquoi pas, « màs n’autres », mais nous. Les occitans sont pacifiques, en particulier les périgourdins même si leur culture écrite comme orale est plus ancienne encore que celle des corses. « Laidonc ? » Alors ? Aurons-nous aussi, au nom de l’égalité républicaine droit au développement de la langue « de notre país » ?
Car, où que tu sois citoyen, si c’est patois c’est donc son frère.