Chronique hebdomadaire en occitan dans sud-ouest Dordogne - Martial Peyrouny

La langue d'oc en Périgord ou comment comprendre les indigènes et mieux les apprécier.

mercredi, janvier 18, 2006

Lo Nadau de las bestias

« Lo Nadau de las bèstias » (prononcer : lou Nadaw dé la bèïtïa)- littéralement : Le Noël des bêtes
« Lo ser de Nadau a miejanuech disen que las bèstias parlan coma los òmes » (prononcer :lou sè de Nadaw a mïèzonè dizein qué la bèïtïa parlan coumo lou z omé).
Lo jau chanta : Nòstre Sénher es nascut ! (lou zjaw santo : notré ségné eï nacu)
Lo buòu li damanda : A Ònte ? A Ònte ? (lou bïow li démando : a ount ?)
La chabra dich : A Betléem, a Betléem.(la sabro di : a Bétélèm)
E l'àse brama : I fau anar ! I fau anar ! (é l’azé bramo : i faw ana !)
Littéralement :
Le soir de Noël a minuit on dit que les bêtes parlent comme les hommes :
- Le coq chante : Notre Seigneur est né !
- Le bœuf lui demande : Ah ! Où ? Ah ! Où ?
- La chèvre dit : À Bethléem, à Bethléem...
- Et l'âne brame : Il faut y aller ! Il faut y aller !
Et « subretot », surtout, je vous conseille de ne pas les écouter. Un soir de Noël, un homme n’avait pas eu la présence d’esprit de suivre cette recommandation. Il entendit le bœuf parler à l’âne et au lieu de fuir il l’a écouté dire ainsi :« passarà pas la nuech, doman serà mort »-il ne passerà pas la nuit, demain il sera mort. Croyant avoir eu beaucoup de chance d’assister à un tel prodige il alla se coucher en toute quiétude. Et on trouva le pauvre homme mort dans son lit le 25 au matin.
Alors si vous m’en croyez, même « se avez un pauc trop estiflat »(sé avè u paw tro eïtifla)- si vous avez abusé de la boisson, « mesfisatz vos de las bestias e maniatz vos de çò que vos regarda » (meïfisa vou dé la bèïtïa é manïa vos dé cho qué vou régardo)-méfiez-vous des bêtes et occupez-vous de ce qui vous regarde.
Enfin sachez que’il existe un dicton pour chaque jour de la semaine pendant lesquels le jour de Noël apparaît. Je soumets donc à votre sagacité celui de cette année en vous souhaitant « un bon e urós Nadau ». « Se es lo dimenc lo Nadalon, surte fiau e chandelon » (sé eï lou dimein lou nadalou, surté fiaw eé chandélou)-si Noêl est un dimanche, prévoyez du fil et des chandelles.

bona annada

Bona annada (prononcé : bouno anado)-littéralement : Bonne année.
En cette période de vœux, permettez moi de vous présenter les miens à l’occitane. Donc « vos soete una bona annada, ben granada e fòrça acompanhada » (prononcé : vou chouwété uno bouno anado, bein granado é forço acoumpagnado)-littéralement : je vous souhaite une bonne année, bien graineuse et bien accompagnée.
Comprenez bien que cette formule de vœux pan occitane date d’un temps où la richesse s’évaluait en sacs de céréales et où la solitude vous conduisait à la tombe tant l’interdépendance était forte. « Màs me deivi » (ma mé deïvi) mais il me semble cependant que ces vœux en langue d’oc seront encore d’actualité en 2006.
Il est vrai que le monde a changé. Aujourd’hui la richesse ne se compte plus en tonnes de blé mais en « estock opcion », et le plus gros agriculteur de France se trouve être le Prince de Monaco.« Màs maugrat los utils de comunicacion » (ma mawgra lou-z-uti dé comunicachioun)-mais malgré les outils modernes de communication, « la rantela, lo corric, lo telefonet »-internet, le courriel, le téléphone portable, il demeure que dans notre pays, un des plus grands maux de ce début de XXI° siècle reste la solitude, « la soletat » (la chouleta). Et sans tomber dans un passéisme réactionnaire à la nostalgie douteuse, il faut reconnaître que ce mal endémique est à l’opposée d’une société occitane agraire où la communauté devait sa survie «a las entraides », aux entraides. « Màs que far »(ma qué fa)- mais que faire pour recréer du lien social ?
« Anem coratge ! » Allez courage ! « I arribarem ! » Nous y arriverons ! Aussi « vos soete una bona annada, ben granada e fòrça acompanhada ! » Ou comme me disais toujours ma grand-mère : « te fau dire bona annada, bona santat », il te faut dire bonne année, bonne santé. Mais n’oublie pas d’ajouter à la fin : « e mas estresnas se vos platz » (e ma-z-eïtréna sé vou pla) et mes étrennes s’il vous plaît !

Quo sarra

« Quò sarra » (prononcer ko charo)- littéralement : ça serre.
Chaque année lorsque vient l’hiver les gens s’étonnent qu’il fasse froid. Vous trouvez dès les premiers jours de gèle quelqu’un pour dire « Quò sarra » ou « fai freg » (prononcé faï fré)-il fait froid. Certains vous disent même« quò fai pas chaud » (ko faï pa saw).-il ne fait pas chaud. Et oui, vous savez bien que nous aimons bien manier la litote en occitan.
Cependant rien d’étonnant à ce que « lo temps siá borrut » (lou teim chïo bourru)-le temps soit froid de décembre à mars, « fils de garça » ! Même le« Pair Nadau » se trouve sous la neige alors rien d’étrange à ce « quò giala » (ko zialo)-que cela gèle. Et on dit bien en terre limousine : « quò fai freg coma mes de genier » (ko faï fré coumo mèï de zénïé)-il fait froid comme un moi de janvier.
Alors pourquoi s’étonner quand « las gens an freg » dans la rue ? Pourquoi attendre que « quò giala a plata cosdura » (ko zialo a plato couduro) cela gèle à pierre fendre pour ce rendre compte que des gens vivent dans la rue et qu’ils risquent « cassar lor escuna » (cocha lour èscuno)-mourir sans abri. « Tot pariers » (tou parié)-pourtant ce n’est pas une nouveauté. « Se podriá creire » (ché poudrïo crèïré)-on pourrait croire qu’une peuplade fantomatique apparaît juste quand « lo temps vira a la sarrada » (lou teim viro a la charrado)-le temps tourne au froid. « Dempuei que sei jovent » (deimpwèï qué sèï zovein)-depuis ma jeunesse je les voie revenir « a la gialada » (a la zialado)-à la gelée dans le petit écran comme une fatalité « antan, ujan, ueitan » (antan, uzan, uwèïtan) – l’année dernière, cette année, l’an prochain, puis ils disparaissent « a la prima » (a la primo) –au printemps
« Laidonc, fau un vòt per ujan » -je fais donc un vœu pour cette année : j’espère « que tornarem pus trobar » (qué tournareim pu trouba )- que nous ne reverrons pas « ueitan » à la télé « las tòrnas de l’ivern » (la torna dé l’ivèr) les fantômes de l’hiver.

l'astrucion

L’astrucion (prononcé : l’achtrucïou) – littéralement :la chance.
‘Laidonc, chançós o garcier ? (Lèïdou, sanchou ou garcïé)-alors, chanceux ou malchanceux. Divendres lo 13-vendredi 13, c’est le moment ou jamais de se poser la question, non ? Et oui, « uei » est « un jorn de chança o un moment qui marca mau » (un zour dé shancho o u moumein qui marco maw)-un jour de chance ou de malchance, selon que l’on y croit ou pas.
Il y a des gens pour ne rien faire « lo divendres13 ». « Per ilhs » (pèr ill)-pour eux cette date « pòrta biseta » (porto bizèto)-porte malheur. C’est un coup à « se far embosinar » (a sé fa eimbouzina)-à collectionner les ennuis.
« N’i a d’autres » (nï o d’awtré)- il y a d’autres qui semblent toujours « trobar la pola negra » (trouba la poulo nègro)-avoir de la chance. Ils rendent jaloux leur entourage car ils réussissent tout ce qu’ils entreprennent. On les voit parader, « urós coma una ‘jaça sus un modelàs de budeus » (urou coumo uno zacho sur u moudelas dé budew)-heureux comme une pie sur un tas de boyaux. « Per ilhs lo divendres 13 », pour eux le vendredi 13 est un jour comme les autres, « auren la poleta coma de cotuma » (awrein la poulèto coumo dé coutumo)-ils auront de la chance comme d’habitude.
Mais « chancier o malurós coma las peiras dau chamin » (sanshié ou malurou coumo la peïra dau samin)-heureux ou maleureux, je suis près à parier qu’aujourd’hui tout le monde va aller « jugar, gratussar, entalhar » (zuga, eintailla, coussa)-jouer, gratter, cocher. Que penser d’un pays où « lo darrier esper » (lou darrié eïpèr)-le dernier espoir de gagner de l’argent est de jouer. Un peuple qui s’en remet « a l’astrucion per se chanjar la vita/vida ! » (a l’astrucïou pèr sé sanza la vito/bido !)-à la chance pour changer sa vie !
Enfin si par hasard, mot arabe qui désigne les dés et donc le sort, vous jouez aujourd’hui je vous souhaite d’avoir« los quatre pès blancs » (lou quatre pè blan)-les quatre pieds blancs.

lo jornau televisat

Lo jornau televisat (prononcé : lou zournaw télévija) littéralement : les news.
Un jour je fus pris à partie par un inconnu qui sur un ton mi-goguenard mi-condescendant me dit : « vous êtes bien joli avec votre occitan mais comment faîtes-vous pour dire week-end ou sandwich dans votre patois, hein ? ».
Ne’n demorí tot esbadalhat (n’ein démori tou eïbadailla). J’en restai bouche bée. Très pédagogue j’essayais alors de faire comprendre à l’homme que toutes les langues portaient en elles leur propre géni pour créer des mots et que là n’était pas le problème. Il n’en démordait pas cet occitan là ne pouvait pas traduire la réalité moderne. C’est alors que je lui fis remarquer que les deux mots qu’il avait pris pour exemple, week-end et sandwich, étaient des mots anglais et non français. « Ne’n badèt lo bec coma una vieilha pola coadant » (n’ein badé lou bèc coumo uno vieillo poulo couadan)-il en resta bouche bée.
Aussi, pour bien vous préparer au futur « jornau televisat » en occitan de France 3 Aquitaine qui débute, « queu dimenge », ce dimanche à 19h15 je vais vous donner « las claus », les clefs, de « l’occitan mediatic ». Vous remarquerez que la plupart de ces mots s’écrivent comme dans les autres langues d’Europe. Le français, l’espagnol, l’occitan, l’anglais, l’italien ne sont-ils pas des patois du latin ?
Allons-y ! « La television » (prononcé la télévijïou), « La radiò o la sens fiau » (la radio ou la chein fïaw), « lo telefonet » (lou téléfounèt)-le téléphone portable, « la rantela » (la rantèlo)-internet, « un corric » (u’n couric)-un e.mail; « corriquejar » (couriqueza)-envoyer un e.mail, « trufar » (trufa)-surfer sur internet comme un cochon cherche des truffes dans un bois.
« Aura setz aprestats » (awro chè aprèchta)-maintenant vous êtes prêt à entrer dans le XXI° siècle et à regarder « Punt de vist » (pu’n dé bist)- Point de vue-, « lo mag ! », le magazine occitanophone de « França 3 Aquitania ».